Un geste anodin… en apparence
Ce jour-là, je suis entrée dans la salle d’art-thérapie sans attente particulière. J’avais simplement envie d’un peu de calme, de quelque chose de différent, peut-être d’un moment pour souffler. La thérapeute m’a proposé une consigne simple : “Choisis une feuille… et déchire-la.”
Je l’ai regardée, un peu interloquée. Pourquoi déchirer une feuille ? Ce n’était pas très “artistique”, ni même très utile. Mais j’ai pris une grande page blanche, je l’ai pliée, et sans trop réfléchir… je l’ai déchirée.
Et c’est là que tout a commencé.
Quand l’art-thérapie donne un sens à nos gestes
Ce geste simple, presque enfantin, a fait surgir quelque chose en moi. À chaque déchirure, j’ai senti une tension se libérer. Une colère sourde, que je portais depuis des mois sans en avoir pleinement conscience, semblait se faufiler dans mes doigts.
Déchirer cette feuille, c’était déchirer autre chose : une attente, une pression, un besoin de perfection. J’ai déchiré des lignes droites, puis des formes irrégulières. J’ai fait du bruit. J’ai même un peu pleuré, sans trop savoir pourquoi.
L’art-thérapeute m’a ensuite invitée à regarder les morceaux, à les disposer librement, à en faire “quelque chose”. J’ai commencé à coller, à superposer, à transformer ces déchirures en un tout. Et dans ce chaos visuel, je me suis reconnue.
Ce que l’art-thérapie m’a appris sur mes émotions
En sortant de cette séance, j’ai compris que je ne permettais jamais à mes émotions de sortir brutalement. Je les gardais pour moi, polies, contenues, bien rangées dans des phrases intelligentes.
Mais ce jour-là, en déchirant une simple feuille, j’ai laissé sortir ce que les mots n’avaient jamais su traduire.
J’ai appris que l’art-thérapie n’est pas là pour produire du beau. Elle est là pour révéler, libérer, accueillir ce qui ne se dit pas. Elle offre un cadre, un geste, une matière à travers lesquels on peut déposer ce que l’on porte, même sans l’avoir identifié.
Déchirer, réparer, recréer : une métaphore du travail intérieur
Ce geste si banal m’a permis de comprendre que je pouvais casser, sans me perdre. Que tout ne devait pas être parfait. Que j’avais le droit de m’effondrer un peu. Que même les morceaux pouvaient encore servir à créer quelque chose de nouveau.
C’est peut-être ça, l’un des grands cadeaux de l’art-thérapie : transformer les failles en forces créatives, les tensions en beauté, les cris muets en gestes visibles.
En recollant certains morceaux, j’ai aussi compris que je pouvais réparer. Pas revenir en arrière, mais composer avec ce qui est, dans une forme nouvelle. Une forme plus vraie.
Pourquoi vivre une séance d’art-thérapie peut tout changer
On pense parfois qu’il faut être “artiste”, “créatif” ou “abîmé” pour faire de l’art-thérapie. Rien n’est plus faux. L’art-thérapie s’adresse à tous : ceux qui veulent comprendre, ceux qui veulent lâcher prise, ceux qui ne savent pas ce qu’ils veulent mais sentent que quelque chose coince à l’intérieur.
Ce n’est pas la beauté de ce que l’on fait qui compte, mais la vérité de ce que l’on traverse en le faisant.
Déchirer une feuille, peindre sans réfléchir, gribouiller avec colère, modeler avec douceur… Tous ces gestes sont des portes d’entrée vers soi. Des invitations à ressentir, à laisser venir, à se rencontrer autrement.
L’art-thérapie comme miroir sensible de soi
Cette séance m’a laissé quelque chose de précieux : un rappel que je peux faire, défaire et refaire. Que mes émotions ont le droit d’exister, même si elles ne sont pas “jolies”. Que dans le silence d’un atelier, il peut se passer plus de choses que dans mille conversations.
Alors non, je n’ai pas “fait de l’art”. Mais j’ai fait de la place. À mes ressentis, à ma colère, à ma vulnérabilité. Et c’était exactement ce dont j’avais besoin. Merci!